Marie-Cécile Zinsou est la présidente de la Fondation Zinsou. C’est une jeune femme à l’enthousiasme communicatif. Posez-lui une question, elle vous transmettra immédiatement sa passion de l’Afrique, de l’art contemporain et des enfants. A l’heure d’ouvrir son nouveau musée à Ouidah, nous lui en avons posé plusieurs.
Menly : Marie-Cécile, un musée d’art contemporain au Bénin, ça surprend.
Marie-Cécile Zinsou – Ah Bon ? Pourtant le Palais de Tokyo à Paris, ça ne choque personne. Vous savez, notre public qui vient à la fondation Zinsou est constitué à 80% d’enfants, n’ont-ils pas les mêmes droits que ceux vivant ailleurs sur la planète ? Je crois d’ailleurs que la question de la culture est une question essentielle et que le Bénin aussi doit y prendre part. La culture est très difficile d’accès au Bénin, qui manque de tout : aucune véritable structure dédiée, sinon l’Institut français et pas davantage de théâtre national. En outre, le Bénin, qui fait partie des pays les pauvres de la planète, possède néanmoins une histoire et une culture extrêmement riches.
Ouidah va exposer des artistes africains connus à travers le monde sauf… en Afrique.
C’est exact, on les voit très peu chez nous, un comble ! Notre nouvelle exposition au musée Ouidah « Chefs-d’œuvre de la collection » de novembre prochain, va ainsi permettre de découvrir 13 artistes, représentant 9 pays d’Afrique. Des artistes africains dont nous avons acquis les œuvres ou qui sont venus spontanément nous solliciter, car c’est essentiel pour eux d’avoir la reconnaissance des leurs.
Le nouveau musée doit-il être une clef d’entrée à l’art pour des milliers de Béninois ?
Bien entendu, et c’est justement le résultat concret du travail qu’on fait depuis 8 ans avec notre fondation. Ce sont entre 400 000 et 1 million de personnes qui visitent chaque année la Fondation Zinsou. Depuis 2005, nous cherchons à faire preuve de pédagogie. A titre d’exemple, des guides expliquent en permanence au public les œuvres qu’il découvre dans nos expositions, car beaucoup de Béninois ne savent pas lire par la faute d’un taux d’alphabétisation très faible (34%). Personne ne doit se sentir exclu, et notre dispositif fonctionne car les gens reviennent. A l’issue de la visite, les enfants repartent chez eux avec un livret explicatif, il y a cette notion d’accompagnement, indispensable. La notion de plaisir doit aussi être intimement liée à la découverte et à l’apprentissage. Pour l’anecdote, ce sont parfois les enfants qui sont déjà venus à la fondation qui emmènent ensuite leurs parents découvrir le lieu. Ça a donc une véritable influence sur les comportements.
Pourquoi le choix de la ville de Ouidah pour votre musée ?
C’est une ville particulière située à une trentaine de kilomètres de la capitale économique Cotonou et qui fut un point d’embarquement des esclaves vers les Amériques. Elle est aujourd’hui l’une des plus pauvres du Bénin. Ses taux de chômage et de déscolarisation y sont terribles. Avec le musée, le but est donc aussi d’éclairer Ouidah d’une manière positive. Il faut parler et faire parler de l’Afrique en bien, c’est un véritable challenge pour nous tous.
Votre volonté paye aujourd’hui. Mais au départ, cela n’a pas dû être simple ?
J’avais 21 ans. Au départ, nous étions seuls. Mais avec les quatre autres membres de ma famille, nous étions tous convaincus que ce projet avait du sens. Certains préfèrent investir leur argent dans des appartements, des avions, des bateaux… Aujourd’hui, nous avons des soutiens forts, venus d’entreprises et de particuliers. Nous avons ainsi reçu une aide importante de Sotheby’s pour notre nouveau musée, et de L’Union Européenne pour nos Mini-Bibilothèques. Reste qu’au départ, c’est vrai, ça n’était pas gagné. Je me souviens que mon père, la pierre angulaire de tout le projet, avait toujours la même réponse pour ses détracteurs : « Notre projet ne vous plaît pas ? N’hésitez pas à faire autre chose, nous vous y encourageons… »
Marie-Cécile, l’art contemporain peut ainsi être populaire, adressé à tous et partout ?
Évidemment ! Je combats avec force l’idée d’un art contemporain réservé à une élite. Je reprends l’exemple des enfants à qui on fait découvrir de l’art contemporain : ils sont tous toujours hyper ouverts à la nouveauté et comprennent très vite ce qu’on leur dit, ce qu’on leur montre, sans préjugés. Oui, l’art est, en tout cas devrait être un droit universel.